TOBACOSTOP - ARRÊTER DE FUMER

02.I
Le conditionnement

La nicotine est une drogue.

Mais pourquoi les fumeurs ne veulent-ils pas l'admettre ? Et pourquoi d'abord ont-ils commencé de fumer ?

De fait, nous sommes aussi le jouet de pressions sociales et psychologiques qui incitent à fumer.

Ciné-quiz : selon vous, combien de cigarettes ont-elles été allumées dans la saison 2 de la série télévisée Stranger Things1 sortie en octobre 2017 dans le monde entier ?

22 ? 
102 ? 
182 ? 
262 ? 

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D ' a b o r d ,
u n   p e u   d e   t h é o r i e . . .
Au début on fume par attitude

L'environnement

L'entourage immédiat de chacun exerce une influence certaine. Plus on est entouré de fumeurs, plus on fume.

Aussi est-il reconnu que dans un foyer quand les deux parents fument, les enfants fument au moins deux fois plus que si les parents ne fumaient pas.
(Entrevoir à ce titre l'article : Dangers du tabac : Les parents fument, les enfants toussent : Influence des parents sur la tabagie des enfants.)

Le service militaire obligatoire, arrêté en 2001, est un autre exemple : seul un petit nombre d'appelés a résisté à la contagion tabagique.
(Un de nos lecteurs né d'avant-guerre témoigne qu'il est bien du même avis... Observer ses remarques au cahier : Témoignages et commentaires de nos lecteurs : Jacques D.)

Autre cas, le cinéma.
« Sur les 150 films [français] visionnés entre 2015 et 2019 :
« − 90,7 % des films présentent au moins un événement (personne en train de fumer), un objet (cigarette, cendrier...), ou un discours (discussion autour du tabac) ;
« − 81,3 % de ces événements sont des scènes de tabagisme2. »

La vogue

Fumer n'est vraiment la mode pour tous que dans les pays industrialisés et depuis un siècle seulement. La consommation a été multipliée, entre 1840 et 1993, par plus de dix mille !

Personne n'échappe aux phénomènes en vogue. À tel point que pour tous la cigarette est, même pour les non-fumeurs, plus ou moins synonyme d'une certaine virilité (Hemingway tourne cette motivation irrationnelle en auto-dérision au feuillet : Citations illustres : Ernest Hemingway) ou, pour les femmes, d'une certaine féminité. La pipe est marque de sagesse à la Brassens et le cigare est symbole de richesse et puissance.

L'influence de la société est telle que tout le monde a peur de la drogue mais pas du tabac. Celui-ci est pourtant la drogue tueuse numéro un, et de très loin...

Publicité quand tu nous tiens

Les compagnies de tabac dépensent des milliards pour nous avoir.

Les moyens de la publicité « dont on sait, de façon certaine, qu'elle exerce une influence sur le consommateur3 » sont : publicité lors des rencontres sportives et culturelles, distributions gratuites.

Catégories visées : adolescents, minorités ethniques, femmes, travailleurs manuels, populations moins instruites.

Les buts : image du produit, influence du comportement.

Symboles retenus : évasion, liberté, brave solitaire, aventurier, grand large, femme libérée, élément du train de vie, sex-appeal, etc.

En août 2018, le New York Times4 a enquêté sur les médias sociaux et les influences sur Instagram de l’industrie du tabac. Le journal a répertorié 123 hashtags associés aux produits du tabac, qui avaient été consultés 25 milliards de fois à travers le monde.

« Les influenceurs, en vacances, en soirée, avec des amis mettent en avant le produit du tabac ou la cigarette électronique de manière nonchalante, comme allant de soi afin de créer ou maintenir la norme sociale tabagique.
« Les influenceurs ne mentionnent pas le fait qu’ils ont été rémunérés.
« Ceci rend l’identification des publicités souvent difficile.5 »

Toujours dans le registre des médias du XXIe siècle, les clips musicaux sont une autre niche pour les publicités tabagiques ciblant la jeunesse. Une étude6 d'octobre 2018 a révélé que sur les 100 clips les plus vus − plus d'un milliard de vues sur YouTube − sept (3,9 %) contenaient des références aux e-cigarettes. Peu de clips, mais des milliards de visionnages...

L'État

Le rôle de l'État est ambigu.

D'une part il édicte des lois qui protègent les non-fumeurs, d'autre part il protège la cigarette en l'autorisant, contrairement à l'héroïne, la cocaïne ou le cannabis (C'est un fait qui ouvre une voie d'accès aux mauvais mobiles, comme celui inscrit au chapitre : Comment arrêter de fumer : Les mauvaises excuses : « Et pourquoi la marijuana est interdite, elle ? »)

Enfin il la vend (La Seita − devenue Altadis − est un monopole d'État) dans un nombre considérable de débits de tabac : 23 5007 en 2023.
La nicotine étant une drogue, l'État qui la vend est donc un dealer.

Comme disait Talleyrand (1754-1838) : « Je promets de bannir ce vice affreux [Le tabac], le jour où on m'indiquera une seule vertu capable de faire rentrer, chaque année, cent vingt millions dans les caisses de l'État. »
(Portrait et exposé de Talleyrand à la page : Images tabagiques : Talleyrand : Les petites histoires du tabagisme.)

Plus récemment en France « les taxes sur le tabac ont rapporté 15,3 milliards d’euros en 2020 à l'État8 ! »

Protection et vente sont autant d'influences légalisées.

Continue-t-on par habitude ?

De l'habitude au réflexe

Il peut être tentant de penser que la force de l'habitude est telle qu'elle explique à elle seule les difficultés qu'on éprouve à arrêter. N'y a-t-il pas des fumeurs qui ont le réflexe d'allumer une cigarette alors même qu'une autre est déjà allumée ?
(Ce qui enveloppe quelques fumeurs d'une belle illusion, comme il est relevé au chapitre : Comment arrêter de fumer : Les mauvaises excuses : « Je fume uniquement par habitude ».)

Pourtant rien n'est plus facile à arrêter qu'une habitude ! Certains ouvriers exécutent des milliers de fois le même geste par jour : nous pouvons attester qu'une fois sortis du boulot ils sont certes assommés, mais aucune habitude ne les suit !

Par contre des études faites sur le rat par le psychologue américain B. F. Skinner9, et applicables à l'homme, ont démontré que s'il est fort aisé d'arrêter une habitude constamment renforcée il est en revanche plus difficile d'arrêter une habitude stoppée puis reprise plusieurs fois. Voilà qui explique peut-être que les fumeurs qui essayent continuellement de limiter leur habitude ont plus de mal à arrêter que ceux qui − même gros fumeurs − arrêtent durablement sur un coup de tête.

Photo extraite du film « Les temps modernes » montrant Charlie Chaplin entraîné dans des engrenages géants. Commentaire Tobacostop : La cigarette t'asservit... à rien !  La cigarette t'asservit...
à rien !

Une habitude n'a jamais créé de dépendance

Une loi méconnue

Une loi de l'esprit humain, trop peu connue, fournit encore un éclaircissement sur la difficulté d'arrêter. Il s'agit de la loi de la persévérance dans la décision prise librement.

« Après avoir pris une décision [...] les gens ont tendance à la maintenir, quand bien même elle n'aurait pas les effets attendus10... » Cette persévérance dans les décisions que l'on prend librement, même quand par la suite elles s'avèrent mauvaises, est irrationnelle mais expérimentalement prouvée depuis quelques décennies par des travaux anglo-saxons.

Or, les premières cigarettes sont toujours écœurantes. C'est donc armé de volonté que l'on se met à fumer... Et c'est alors qu'en soi une force incite à continuer dans le même sens, bien que depuis l'on ait appris les dangers du tabac !

(À l'inverse, cette loi de la persévérance dans les décisions prises peut être mise à profit pour arrêter de fumer, comme on le verra plus loin au chapitre :
Comment arrêter de fumer : Les mauvaises tactiques : Être contraint d'arrêter,
et au chapitre : Comment arrêter de fumer : Les bonnes tactiques : Le libre arbitre.)

Les erreurs de perception

D'autres éléments entrent encore en jeu dans la persévérance à fumer : ce sont les erreurs de perception...

En effet l'inconfort occasionné par la nicotine ne survient qu'une fois que la cigarette est éteinte, ce qui fait que l'esprit ne rapproche pas tabac et nervosité, mais perçoit plutôt que fumer est relaxant.

Par ailleurs les dangers du tabac pour la santé ne se remarquent pas immédiatement (contrairement à l'alcool qui rend rapidement ivre et sot). Les réserves pulmonaires masquent les insuffisances respiratoires et les maladies sont sournoises et invisibles.

Pour finir il se dégage que le tabac perturbe la lucidité du fumeur sur ce point : seul le non-fumeur perçoit avec évidence et instantanément toute l'idiotie qu'il y a à mettre de la fumée dans son corps. Pourquoi pas boire de la boue tant qu'on y est !

En conclusion

Toutes ces influences d'origine sociale ou psychologique (et probablement d'autres encore) entretiennent chez le fumeur la confusion entre l'idée qu'il se fait de sa cigarette − bonne − et la cigarette elle-même − nocive.

Mais il existe une parade pour en découdre avec ces contraintes souvent obscures et ignorée...

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1 Le Parisien : Accueil / Culture-loisirs / TV / Y a-t-il trop de cigarettes dans les films et séries Netflix ? 15 août 2019. https://www.leparisien.fr

2 Ipsos : Accueil / Actualités / Le tabac est encore présent dans plus de 90 % des films français, 31 mai 2021. https://www.ipsos.com

3 Gérard Dubois, professeur de santé publique à Amiens et président du Comité national contre le tabagisme, interviewé dans le Globe Hebdo du 6-12 avril 1994.

4 The New York Times : Accueil / 2018 / 08 / 24 / health / Tobacco Social Media Smoking, 24 août 2018. https://www.nytimes.com

5 Génération sans tabac : Accueil / Article / Le tabagisme chez les jeunes en france, 7 septembre 2020. https://www.generationsanstabac.org

6 Oxford Academic : Accueil / Nicotine & Tobacco Research / Electronic Cigarette Product Placement and Imagery in Popular Music Videos, 26 décembre 2020. https://academic.oup.com

7 Confédération des buralistes : Accueil / Le réseau / Le premier commerce de proximité, janvier 2023. https://www.buralistes.fr

8 Boursier.com : Accueil / impôts / Actualités / Les taxes sur le tabac ont rapporté 15,3 Md€ en 2020, 2 avril 2021. https://argent.boursier.com

9 Burrhus Frédéric Skinner, étude exposée dans Kick It! de Judy Perlmutter, Thorsons, HarperCollinsPublishers, 12 novembre 1987.

10 Robert-Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois : Petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens, Presses universitaires de Grenoble, 1987.

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